Chatte-mite et Patron-minet
Acrylique sur toile
187 x 145 cm - 2001
Valeur estimée à :
9 000 €


AIMER LES REBUS

 
AAIl faut un peu aimer les rébus pour entrer dans l’œuvre d’Angelo Madyalès - ou, à défaut d’être joueur, au moins ne pas dédaigner les questionnements dans le miroir, même si celui-ci ne nous renvoie pas une image idyllique de l’existence.
AALes personnages de cet artiste ont des vies intérieures que l’on devine extrêmes, longeant souvent le précipice, mais en connaissant aussi la ligne qui permet de ne pas s’y perdre à jamais. Leurs yeux noirs grands ouverts s’inscrivent dans une existence davantage théorique que réelle. Ils veulent bien vivre, à la rigueur, mais ne sont pas dupes des tricheries de notre monde moderne.
AAIl y a beaucoup de solitude dans ces acteurs de notre époque, mais, au fond, pas davantage que dans notre siècle en son tournant.
AACe travail d’investigation sur soi-même ancré dans son temps, cette mise en scène de l’être humain dans des gestes tirés d’un quotidien faussement banal, a hanté beaucoup de grands artistes pour lesquels peindre est aussi transcender la vie telle qu’elle nous est mâchée, et générer dans un monde de plus en plus clos et perdu, une force intérieure qui aspire à se désaltérer dans des sources moins frelatées. Une fois admis dans ce dédale à risques, donc passionnant, mais dont l’entrée est réservée, on y décèle des visages qui s’interrogent. Nous nous interrogeons avec eux. Et alors qu’ils nous questionnent, nous ne pouvons répondre à leur attente que par nos impuissances propres face à un monde rouillé et corrompu. Mais l’artiste, dans son labyrinthe pernicieux nous lance
 

en même temps que ses personnages, qui sont autant de doubles, le défi de ceux qui ont brisé à tout jamais le carcan d’une existence trop étroitement balisée. Ils sont seuls, mais libres.
AAPour nous insérer dans son parcours fléché, Angelo Madyalès n’a pas de technique ou de format à faire valoir. Mais plus que cela, il a un style qu’il sait adapter à ce qu’il construira, petite gouache sur papier ou grande huile sur toile. Cette marque de fabrique nous replonge dans le domaine des jeux de l’enfance au temps où l’on assemblait les puzzles. Les œuvres sont constituées d’éléments dont on a l’impression que l’on peut les tirer un à un jusqu'à ce que le support redevienne vierge. Et l’on peut recommencer à l’infini ce jeu des signes, des formes et des couleurs, à condition de savoir, comme le fait l’artiste, structurer sa composition avec une habileté diabolique. Chaque élément du puzzle trouve parfaitement sa place, et même dans les compositions déstructurées, visages, corps, pieds ou mains sont autant d’entités vivantes et organisées. Dans certaines œuvres, il utilise également la technique du collage en insérant des éléments de journaux découpés, de cartons ou de tissus, lesquels deviennent, grâce à une utilisation subtile, un élément constitutif et déterminant qui ajoute à l’œuvre une force supplémentaire, venant souvent enrichir la toile, comme les œuvres sur papier, pièces qui constituent l’une de ses créations les plus riches.
AAAngelo Madyalès a trouvé son monde. Bien sûr, quelques influences majeures émaillent son œuvre - on ne peut que le féliciter de ses choix -, mais au delà de celles-ci, il s’est construit, en une quinzaine d’années, une œuvre totalement personnelle et unique. Bienvenu donc à tout ceux qui liront dans ce regard contemporain un peu d’amour à partager dans un monde en détresse.

Stéphane Rochette - directeur de la galerie S.R, Paris.