CTESIBIOS D'ALEXANDRIE
Vers 270 av J.C

Clepsydre à niveau constant de Ctesibios
Pendant des siècles, les cadrans solaires furent la seule façon de découper le temps. Ils avaient de nombreux désavantages, ne fonctionnaient pas la nuit, moyennement les journées nuageuses et ils n'étaient pas vraiment transportables. De plus, leur mise en place demandait de multiples et délicats ajustements sur une période plus ou moins longue.
Donc l’eau s’écoulait de plus en plus lentement et cela faussait complètement le système de mesure.
Pour y remédier, on tenta d’utiliser des récipients de forme tronconique (allant en se rétrécissant vers le fond) sur les parois desquels on pouvait conserver des graduations horaires égales. C’était un mieux, mais ce n’était pas parfait.
Ctésibios inventeur grec, imagina une horloge à eau qu'on appelle aussi clepsydre, grâce à quoi il devint populaire en peu de temps. Il modifia complètement le principe des clepsydres antérieures qui, depuis l’Egypte pharaonique, fonctionnaient par vidage de l’eau contenue dans un récipient. Dans son système, au contraire, l’eau arrivait régulièrement à travers un tuyau étroit, jusqu’à un réservoir muni d’un flotteur qui, de ce fait, s’élevait lui aussi régulièrement… et la statuette qui le surmontait indiquait l’heure sur un cylindre horaire. Elle donnait une bonne approximation de la durée puisqu'elle fut utilisée, par exemple, dans les assemblées, pour déterminer le temps de parole des intervenants.

Les premières clepsydres d’où l’eau s’écoulait par un petit orifice au fond du récipient, avaient un grave inconvénient. La pression du liquide (au fond) diminuait au fur et à mesure que le niveau baissait.
Ctésibios trouva la solution en utilisant un dispositif "double". L’eau arrive par un tuyau A dont le débit n’a aucune importance. Elle coule dans un récipient qui possède DEUX sorties :
- La sortie C, qui est constituée d’un gros tuyau dont le rôle unique est de maintenir toujours au même niveau le liquide dans le récipient.
- La sortie D qui permet à l’eau de s’égoutter de façon parfaitement régulière.

L’eau s’écoulant par D remplit donc régulièrement un récipient muni d’un flotteur surmonté d’une tige. Au fur et à mesure que le récipient se remplit, le flotteur monte. Il suffit de repérer l’indication donnée par une flèche devant une graduation pour connaître l’heure.


On doit également à Ctsibios l’invention de la pompe aspirante et refoulante.
Anecdote concernant Ctesibios
L’anecdote qui suit n’a été relevée que dans un seul texte provenant d’un ancien "journal pour la jeunesse" et aucun autre document y faisant référence n'a été trouvé.

Ctésibios aurait été coiffeur à Alexandrie. Ses affaires marchaient bien car son échoppe se situait en face d’un hôtel dont les clients allaient se faire raser ou coiffer chez lui. Il aurait pu être le plus heureux des hommes si un problème pratique ne l’avait pas chagriné : son miroir, en métal poli, était fixé au mur et ses clients aimaient bien voir comment ils avaient été arrangés. Malheureusement, le miroir était très petit et ils devaient souvent se contorsionner ou se hisser sur la pointe des pieds pour pouvoir s'y regarder.
Un beau jour, Ctésibios, que cette situation irritait, eut l’idée d’installer un système réglable : un bout de ficelle, deux poulies, un contrepoids en plomb du même poids que le miroir et hop ! le tour était joué. Le miroir montait et descendait le plus facilement du monde. Pourtant, Ctébisios trouva que ce morceau de plomb et ces bouts de ficelle n’étaient pas du plus bel effet, et il décida de camoufler le contrepoids à l’intérieur d’un tuyau installé dans un coin de la pièce. Et c’est là que les choses se gâtèrent !

Le tube cylindrique était parfaitement lisse et régulier à l’intérieur, le contrepoids avait un diamètre légèrement inférieur à celui du tube à l’intérieur duquel il aurait du naviguer facilement… et pourtant, il mettait une mauvaise volonté évidente à remonter et surtout à descendre ! A croire qu’il était collé dans son logement !
Le problème, c’est que le tube s’appliquait exactement au sol et que l’air comprimé entre la
base et le contrepoids exerçait une pression empêchant ce dernier de descendre.

Ctésibios démonta et remonta son système de multiples fois et finit par prendre conscience de la nature du problème. Il aurait pu alors décoller son tube du sol… et pourtant il choisit une autre solution qui allait tout changer : à la base du tube, il pratiqua une petite ouverture pour permettre à l’air de s’échapper. Dès lors, son système de miroir à contrepoids se mit à fonctionner à la perfection… mais à chaque fois que le contrepoids descendait en
chassant l’air par l’orifice, il se produisait un "agréable sifflement".
Il faut croire que Ctésibios était d’un naturel plutôt curieux car en "jouant" sur le diamètre et la longueur des tubes ainsi que sur la grosseur et la forme des trous, il se rendit compte qu’il était possible d’obtenir des sons différents. Et c’est ainsi que notre coiffeur curieux inventa le premier ORGUE qui, curieusement, utilisait de l’eau comme "système intermédiaire".
L’orgue à eau était né. Mais le plus important c’est qu’il recelait en lui le principe du "cylindre" et du "piston" qui allait jouer plus tard un rôle capital dans le développement de la technologie puisqu’on le retrouve aussi bien dans les moteurs à vapeur ou à explosion que dans les systèmes de pompes et de compresseurs.

Comme quoi, la recherche de la satisfaction du client peut conduire à des découvertes à la fois étonnantes et capitales. Cette anecdote n'est peut-être qu'une simple légende, mais il faut en reconnaître la beauté.
L'orgue à eau
Ctésibios avait donc fortuitement découvert le moyen de produire des sons musicaux grâce à de l’air comprimé produit par un piston circulant dans un cylindre. Si son dispositif produisait bien un son, il y avait néanmoins un gros inconvénient au système : le son n’était produit que lorsque le piston chassait l’air, mais dans son mouvement de retour, c’était le silence le plus désagréable qui soit.
Comment donc obtenir un son musical continu en utilisant un système de piston alternatif ?

Ctésibios eut alors l’idée d’appliquer une autre de ses découvertes, à savoir que l’air était quelque chose de matériel avec des propriétés spécifiques et non un vague vide indéterminé. Il avait compris cela en renversant un seau vide sur une cuve pleine d’eau et en l’y enfonçant. L’eau ne pénétrait pas dans le seau, donc l’air qui s’y trouvait était capable de la repousser.
C’est exactement ce dispositif qu’il développa. L’air comprimé produit par un piston était chassé grâce au
tuyau dans un seau renversé sur une cuve pleine d’eau . Cet air en chassait l’eau du fait même de sa pression. Par un second tuyau, il était dirigé vers le clavier qui, une fois ouvert, l’envoyait jusqu’au tuyau d’orgue. Lorsque le piston revenait, la pression dans le seau renversé diminuait et l’eau chassée reprenait progressivement sa place, repoussant l’air vers l’orgue quand le clavier était ouvert, ou maintenant la pression quand le clavier était fermé.

Grâce à ce système simple, il était possible d’obtenir une pression d’air à peu près constante et donc de pouvoir produire un son presque continu. En fait, l’orgue de Ctésibios - appelé pour cette raison Hydraule - ne fonctionnait pas vraiment à l’eau. Le liquide n’était utilisé que comme intermédiaire pour obtenir un débit d’air constant en sortie bien que l’alimentation au départ ait été irrégulière.
Notons aussi que le système devait comporter un important jeu de soupapes correctement disposée, preuve supplémentaire du génie de Ctésibios.
Source : Projet Educatif Européen "Socrate Comenius". Texte de Jean Giraud.